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La Mère Brazier peut dormir tranquille…

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Vu sur petitecuisine.wordpress.com

(NDLR : après une longue absence due à un ridicule surmenage, on revient enfin, et méfiez-vous : on a FAIM !)

Lyon m’énerve*.

Depuis toujours.

Cette ville ne me brosse pas dans le sens du poil, elle m’agace, me file entre les doigts. Ni grande ni petite, avec son allure bien comme il faut, son centre historique somptueux auquel s’accrochent d’interminables avenues où pas une âme ne rôde après 19 heures. On la surnomme souvent “la belle endormie”, euphémisme gentillet à mon avis, cachant la contradiction de cette ville qui se rêve métropole, mais où l’on ne trouve pas une pharmacie ouverte le dimanche.

Bref.

Ce qui m’agace le plus avec Lyon, c’est que je l’adore.

Car derrière cette allure de dame revêche guettant 22h pour appeler le commissariat, se cache une âme de bougresse truculente. Comment les deux personnalités s’articulent elles ? Je ne comprends toujours pas, et c’est peut être bien là le problème. Ce qui est certain, c’est que de tous les titres que Lyon revendique, celui de capitale de la gastronomie est  le plus absolument mérité.

Qui n’a pas visité les Halles de Lyon une fois dans sa vie passe à côté de l’une des clés de voute de la gastronomie française, et les marchés Parisiens peuvent aller se rhabiller, tous, aucun n’arrivant ne serait-ce qu’à la cheville de cet endroit béni des dieux. Les commerçants de la ville ne sont pas en reste, et il demeure ici une culture des bonnes choses et un amour du bien manger que je me désespère souvent de ne pas trouver ailleurs.

Vous comprendrez donc que je sois prise d’une excitation frénétique à chacun de mes déplacements lyonnais, me délectant à l’avance des achats pharaoniques de victuailles que je ne manque jamais d’y faire. Et quand nous sommes en fonds (ou pas), nous ne manquons pas non plus de visiter quelques bons restaurants dont la ville regorge, et qui font mon immense bonheur et ma fierté d’être française, rien de moins.

Tout cela pour dire que l’autre jour nous sommes allés manger chez la Mère Brazier. Restaurant quasi emblématique de Lyon, devenu à une période un peu confit dans ses habits du dimanche, puis repris brillamment par le chef Mathieu Viannay, j’en avais entendu tant de bien que l’envie d’aller y goûter par moi même me démangeait depuis un moment.

Nous voila donc arrivant dans ce très beau et très ancien restaurant. On passe devant la cuisine et le chef nous salue (et moi j’adore quand le chef dit bonjour). Le service impeccable et souriant nous conduit à travers les salons chics, on sent les étoiles (deux) sous le pied mais franchement ça reste simple et de très bon goût.

Au niveau de la carte, Mathieu Viannay a choisi de respecter la tradition régionale sans s’y empêtrer. On retrouvera bien sur les grands classiques (poularde demi-deuil), mais il n’hésite pas à faire voyager les produits pour arriver à ses fins : livrer une partition impeccable, surprenante et cohérente à la fois.

En entrée, je suis subjuguée par des huîtres à l’andouille, fondue de poireaux et galettes de sarrasin, le tout recouvert d’un fonds de veau crémé de la plus grande élégance. On pourrait se croire hors sujet sur des produits aussi peu régionaux, mais cette alliance terre-mer, cette allure canaille de l’andouille, ce fonds de veau impeccable : tout cela s’inscrit parfaitement dans l’univers Lyonnais et le résultat est une splendeur ! On remarque au passage de sublimes huîtres de l’étang de Thau que le chef fait venir spécialement, des merveilles.

Mon Lyonnais de mari quand à lui se régale d’un oeuf au jamon iberico, escargots et champignons absolument remarquable. L’appel à la terre est puissant, les textures ultracohérentes, le tout est d’une logique implacable.

Notons sur ces deux plats l’excellente prestation d’un Côte du Jura blanc 2005 du domaine Baud, conseillé par un sommelier adorable et inspiré, qui fit beaucoup pour notre bonheur.

Pour la suite, je me régale d’une cassolette de langoustines aux petits légumes, parfaite – mais c’est l’autre plat qui restera le choc du diner. De la matelote de lotte et tête de cochon. Quand mon mari l’a choisie, le maître d’hôtel a eu un petit sourire en coin, genre “Monsieur à fait un bon choix”.

Tu parles. Un truc de fou. La tête de cochon est émincée, fine, et surtout fondante à souhait. La sauce est une merveille. Puissante, tannique, mais raffinée, souple, enveloppante. La lotte joue avec la tête de cochon de manière virtuose. Le genre de plat qui fait monter l’émotion, qui nous laisse sans voix, et qui vous fait savoir que ceux qui travaillent ici possèdent un talent peu ordinaire.

Je déguste sur mes langoustines un Côte de Beaune blanc Bouchard 2005 (nickel) et mon chanceux de mari, qui a eu le nez de choisir la tête de cochon, apprécie fort un Côte de Nuits rouge 2008 de chez Sylvie Esmonin.

Pour les desserts, je ne peux résister à l’appel d’un soufflé à la chartreuse qui se révélera d’une perfection insolente : le centre est aérien et subtil, les bords craquants et légèrement caramélisés. Je ne sais pas résister à un bon soufflé, surtout à la chartreuse – celui là est formidable.

Nous sortons fumer une cigarette, ce qui nous donne l’occasion de papoter quelques minutes avec le chef qui rentre chez lui. Un homme discret, très calme, qui répondra à nos débordements d’enthousiasme avec beaucoup de gentillesse.

Car en ce qui me concerne, ce repas fut l’un des plus grands qu’il m’ait été donné de manger. Un coup de coeur énorme. Et encore une bonne raison de ne pas pouvoir détester Lyon comme je voudrais**.

*Je précise ici que je risque rien de moins que la répudiation et la mise au banc de la société avec cet article, car (tout est paradoxe !) je fréquente beaucoup de Lyonnais de près. J’en ai même épousé un, qui m’a fait deux enfants. Et mon meilleur ami Gillou, dont l’influence dans les milieux branchés de la capitale n’est plus à prouver, est un Gone pur jus. Sans parler de mes cousins et oncle et tante Lyonnais chéris, que j’aime d’amour et que j’embrasse.

** Hahahaha j’ai réussi à écrire un article sur Lyon SANS parler de l’OL ni de Gerland (qui selon mon mari, est le seul monument avec la muraille de Chine que l’on peut voir de la lune).


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